Mise en place du dernier élément du tube, à la hauteur du puits Atlas. Dans ce tube bleu de 27 km de long, des particules se heurteront à 300 000 km/s. Leur choc fera jaillir d'autres particules, qui nous permettront de comprendre les secrets de la matière et de la naissance de l'univers. Parmi ces particules, le mystérieux boson de Higgs, qui condense le vide et permet la masse... : Cern
La plus grande expérience de physique jamais réalisée doit débuter, prèsde Genève, le 10 septembre. Son but : comprendre la naissance de l'univers.
Entre le lac Léman et le Jura, à cheval entre la Suisse et la France, s'étend le joli pays de Gex. Bucolique, avec ses vaches, ses petits arpents de vignes, son maïs et son blé. Mais c'est sous terre que se nichent ses secrets. Y serpente, à 100 m de la surface, dans un tunnel de 27 km de circonférence, un long tube bleu extraordinaire.
Ce tube contient une succession d'aimants supraconducteurs, refroidis par de l'hélium liquide, à - 270 °C. Ils peuvent propulser des milliards de protons (1) à la vitesse de la lumière, dans un vide quasi absolu, intersidéral.
Ici, nous sommes chez les « Cernois », les chercheurs du Cern (Centre européen de recherche nucléaire), sans doute la plus grande concentration de physiciens au monde. Une niche à prix Nobel. Et ils sont sur les dents.
De minis big bang
LHC. Le grand collisionneur des Cernois, le LHC, le « Large Hadron Collider », doit être prêt à la fin de l'été pour accueillir ses premières injections de protons. Suspense : lancés à la queue leu leu dans une sarabande infernale, et en sens opposés, leurs collisions, en mini big bang, livreront peut-être les secrets de l'univers.
Pour traquer l'infiniment petit, il a fallu construire infiniment grand. Le collisionneur se visite à vélo, avec un casque de chantier sur la tête. Le physicien Patrice Siegrist, barbe poivre et sel, nous accueille dans sa caverne, tel un chef de chantier
Après une descente rapide par ascenseur, on chemine dans un labyrinthe en béton qui débouche sur une salle immense, telle une nef surmontée d'une cheminée digne d'une centrale nucléaire. Au centre, d'énormes bobines, sorte de moteur électrique géant. Poids total : 12 500 t, mieux que la tour Eiffel. C'est un maousse électroaimant, en nettement plus compliqué. Sur les 27 km, il y a ainsi quatre cavernes creusées pour quatre systèmes différents de détection des particules (LHC, Atlas, Alice et CMS. Voir infographie).
CMS. Nous sommes dans l'antre du CMS, le « Compact Muon Solenoid ». « On espère être les premiers à détecter le boson de Higgs », explique Siegrist, qui parle le « Muon » couramment. Cette particule rare et cosmique doit accompagner le jaillissement du boson, le « Graal » de la physique nucléaire moderne. Il a été imaginé, théorisé, en 1964, par un physicien écossais, Peter Higgs, aujourd'hui âgé de 78 ans. L'homme a visité le LHC en avril, intimidé par la puissance des forces mises en oeuvre pour valider sa théorie. « C'est ce boson qui peut expliquer la masse différente des particules. Mais personne ne l'a encore vu. »
Le boson, explique le physicien, c'est un peu « comme la boue qui vous colle aux bottes. Elle alourdit toutes les particules élémentaires ». La surprise serait de ne pas le trouver. Il faudrait alors revoir toutes les théories sur la constitution de la matière. Mais, pour le dénicher, on a aussi déployé Atlas, dans une seconde caverne encore plus imposante que la première. Le détecteur mesure 46 m de long, 25 m de haut.
« Comme la roulette au casino »
François Butin, passé des techniques spatiales à la chasse au boson, est persuadé de détenir là le meilleur détecteur au monde, « le plus moderne, le plus spectaculaire ». Car entre Cernois, l'émulation et la compétition sont réelles. « Notre accélérateur, c'est comme la roulette au casino. On espère être les premiers à tirer le bon numéro. [...] C'est comme rechercher une aiguille dans une France couverte de bottes de foin. »
(1) Proton : partie du noyau de l'atome chargée d'électricité positive.
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