jeudi 18 septembre 2008

Science - Une contribution québécoise essentielle au plus puissant collisionneur de particules

Pauline Gravel
Édition du samedi 13 et du dimanche 14 septembre 2008

Mots clés : contribution québécoise, collisionneur de particules, Science, Québec (province)

Photo: Agence France-Presse
Mercredi, l'excitation était palpable non seulement dans le tunnel abritant le plus puissant collisionneur de particules du monde localisé à la frontière franco-suisse, mais aussi dans les locaux du département de physique de l'université McGill. Doctorants et professeurs ayant activement participé à la mise en place de cette expérience extraordinaire se réjouissaient de la réussite de son démarrage.

Les chercheurs d'ici sont nombreux à faire régulièrement la navette entre Montréal et Genève, où se situe le Large Hadron Collider (LHC), pour poursuivre leurs travaux, qui font partie intégrante de l'expérience ATLAS associée au plus grand des détecteurs entourant le LHC.

Des chercheurs des universités McGill et de Montréal ont notamment conçu un système permettant d'identifier les collisions de particules qui seront les plus intéressantes scientifiquement. «Près d'un milliard de collisions entre protons se produiront à chaque seconde. La quantité de données générées par ce milliard de collisions étant gigantesque, le système mis au point par nos chercheurs permettra de sélectionner les 200 collisions, dont les résultats méritent d'être sauvegardés», explique le professeur de physique de l'université McGill Brigitte Vachon, membre de l'équipe internationale qui se consacre au détecteur ATLAS, le plus imposant des détecteurs entourant le tuyau au sein duquel on provoquera les collisions entre deux faisceaux de protons. «Ce système repose sur des algorithmes de reconnaissance des événements physiques intéressants qui seront captés par le détecteur. Ces algorithmes que nous avons développés permettent de reconnaître les signatures laissées par les particules qui sont prévues par la théorie.»

«Notre système agit comme un filtre qui ne retient que les événements que l'on désire conserver. Comme on croisera les faisceaux de protons toutes les 25 nanosecondes afin de provoquer des collisions, cela produira une quantité de données immense, qu'il sera impossible de gérer. Notre système doit décider s'il doit enregistrer ce qui s'est passé durant une collision dans le but de l'analyser ultérieurement, ou de l'ignorer», ajoute le doctorant de l'Université de Montréal Jonathan Ferland, qui a travaillé à la conception de ce système de filtrage intégré au détecteur ATLAS.

Des chercheurs de l'université McGill ont également contribué à la mise au point d'une grille de calcul internationale qui devra servir à l'analyse de la quantité colossale de données relevées lors des expériences menées dans le LHC. Cette grille de calcul a été échafaudée en reliant entre eux des milliers d'ordinateurs localisés en différents lieux du globe afin de créer un super ordinateur, en quelque sorte, a souligné Brigitte Vachon.

Une autre équipe s'est quant à elle appliquée à élaborer des méthodes d'analyse permettant de retracer parmi les événements physiques qui surviendront lors des collisions entre protons des évidences de la production du boson de Higgs, une particule élémentaire dont l'existence est prévue par les théories physiques mais que les physiciens n'ont jamais pu observer. L'énergie qui sera générée lors des collisions qui seront induites dans le LHC devrait être suffisante pour provoquer l'apparition de cette particule, surnommée particule de Dieu, qui est sensée être à l'origine de la masse de toutes les choses, a précisé Brigitte Vachon.

Le professeur Claude Leroy, du département de physique de l'Université de Montréal, a pour sa part conçu, en collaboration avec l'Institut de physique expérimentale et appliquée de Prague et le Groupe de microélectronique du CERN (l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire), un petit détecteur d'une surface de deux centimètres carrés qui se présente comme un damier de 256 pixels par

256 pixels. «Notre détecteur se distingue par le fait qu'il nous fait "voir" les interactions de particules en temps réel, contrairement aux autres détecteurs, dont on doit analyser les données, par exemple les mesures d'énergie, pour reconstituer le profil d'une particule», fait remarquer Claude Leroy, qui, avec ses collègues tchèques, a passé quelques années à identifier la signature visuelle des différentes particules (muons, pions, neutrons, protons, etc.) qui pourront être produites lorsque les protons s'écraseront les uns contre les autres. «Avant même que le collisionneur ne soit en marche, notre MPX-ATLAS a détecté les particules (électrons, protons, muons, photons) issues du bruit de fond cosmique», souligne fièrement M. Leroy.

Seize de ces petits mais néanmoins puissants détecteurs MPX ont été introduits à des endroits stratégiques du gigantesque détecteur ATLAS. Ils permettront d'échantillonner le champ de radiation qui s'y manifesterait. «Car les collisions entre protons produiront dans la chaîne des événements qui s'ensuivront des neutrons qui iront frapper les matériaux dont est constitué le détecteur ATLAS. Et alors, ces matériaux pourront devenir radioactifs pendant un certain temps», explique le doctorant Jonathan Ferland.

La contribution des chercheurs québécois à ce projet scientifique le plus ambitieux de tous les temps est essentielle à sa réussite.

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